Je reprends la plume qui conte ma vie

Il est parfois des moments où nous faisons des choix que nous regrettons par la suite mais trop tard. Nous avons déjà changé le destin, il faut maintenant suivre le sens donné au flux de notre vie. Mon père militaire de carrière a souvent eu des missions. Cette fois, on lui propose une mutation de deux ans à Djibouti en Afrique.

Je ne sais pour quelle raison mes parents ont choisi de nous séparer. Mon père partira deux ans à Djibouti et nous avec notre mère nous irons en Martinique. Mon père est proche de la retraite et cette dernière mission en fin de carrière est une belle opportunité pour pouvoir payer la maison qu'ils ont en construction en Martinique. Avec notre mère, nous irons là-bas en attendant son retour. Mes parents sont tous deux natifs de cette île. Pour ma part ce fut la pire nouvelle que je reçus. Je ne connaissais pas trop la Martinique. J'y avais ma famille que je connaissais à peine et mon seul souvenir datait de mes 3 ans avec les piqures de moustiques affamés. Pfff ! Je suis née en France, je ne connaissais que la France. Je ne voulais pas partir, je ne voulais pas abandonner mes copines. Je ne voulais pas être séparée de mon père. Cependant, la décision était déjà prise, je ne pouvais rien y changer. Notre départ était prévu courant mars. Je devais intégrer une nouvelle école, dans "un nouveau pays" et être séparée de mon père. J'annonçais donc la nouvelle à mes copines que je devais abandonner. Larmes, pleurs, promesses, échanges d'adresse, mon coeur d'enfant était déchiré. Peut-être sentais-je que le bonheur que nous avions toujours eu ne serait plus le même... Il fallait maintenant faire nos valises...

Nous voilà partis vers la Martinique. Mon père est resté en France et partira quelques jours après nous vers Djibouti. Il nous a promis de nous appeler et de nous écrire tout le temps. Nous avons pris un avion de la compagnie UTA qui se chargeaient à l'époque de faire voyager ses clients de l'armée de l'air et autres. Pendant tout le voyage j'avais discuté avec des enfants de gendarmes Carine et Estelle. L'avion entame sa descente progressive vers le sol lamentinois. Une nouvelle vie s'annonce. Nous voilà en Martinique.

Ma grand-mère est venue nous chercher avec un taxi. Nous nous embrassos tous, l'accueil est chaleureux. Nous avons quelques bagages, le plus gros arrivera avec le fret. Il fait chaud, l'air est étouffant. Le paysage est différent. Je n'ai pas envie d'être là, je n'ai pas choisi. Nous rentrons dans l'île. Le taxi emprunte des routes campagnardes et parfois j'entrevois la mer, la mer... Je suis triste ... Je ne me sens pas chez moi. Nos cousins et cousines nous attendent. Un grand repas est organisé pour nous souhaiter la bienvenue. Je n'ai qu'une chanson en tête : "La France de mon enfance d'Enrico Macias" (http://www.dailymotion.com/video/xkcr3f_enrico-macias-la-france-de-mon-enfance_music). D'ailleurs, je chanterai cette chanson avec une adaptation personnelle des paroles pendant plusieurs semaines : "La France, de mon enfance, c'est la France où je suis née, je ne suis pas de la Martinique, je voudrais retourner en France. La france, c'est où je suis née....".

Les choses se sont déroulées très vite. Il fallait après quelques jours de repos intégrer l'école. Mes frères et soeurs étant au collège, je me suis retrouvée toute seule dans une école primaire au CM2. L'uniforme était obligatoire : une chemise blanche à manches courtes et une jupe madras. Les débuts furent très difficiles. Je n'étais pas acceptée  car je n'avais pas l'accent local. Je faisais l'objet de moquerie car j'étais pour eux "la négropolitaine", la noire qui vient de France.